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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/373

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raître en tant que Juifs. Comment d’ailleurs l’auraient-ils pu ? En se convertissant, dira-t-on, ce que quelques-uns ont fait, mais la plupart ont répugné à ce qui n’aurait été qu’une hypocrisie de leur part, car les Juifs émancipés arrivent rapidement à l’irréligion absolue. Ils sont donc restés Juifs indifférents ; néanmoins, tous ces révolutionnaires, dans la première moitié de ce siècle, furent élevés à la juive, et s’ils furent déjudaïsés en ce sens qu’ils ne pratiquèrent plus, ils ne le furent pas en ce sens qu’ils gardèrent l’esprit de leur nation.

Ce Juif émancipé n’étant plus retenu par la foi des ancêtres, n’ayant aucune attache avec les vieilles formes d’une société, au milieu de laquelle il avait vécu en paria, est devenu, dans les collectivités modernes, un bon ferment de révolution. Or, le Juif émancipé s’est sensiblement rapproché du chrétien indifférent, et, au lieu de considérer que ce chrétien ne s’est allié à ce Juif que parce qu’il était, lui-même, devenu irréligieux, les antisémites conservateurs croient que le Juif a par son contact déchristianisé les chrétiens qui l’ont approché. On rend les Juifs responsables de l’effacement des croyances — car l’antisémite ne fait jamais le départ entre le Juif pratiquant et le Juif émancipé — de l’affaiblissement général de la foi, de la disparition de la religiosité. Cependant, pour tout observateur impartial, ce n’est pas le Juif qui détruit le christianisme. La religion chrétienne disparaît comme la religion juive, comme toutes les religions, dont nous voyons la très lente