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Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/90

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78 LA REVUE MUSICALE 174

française telle qu’il la tient de Dauberval. Il se rend compte maintenant qu’il est vain de mimer une tragédie au lieu de la déclamer, que le ballet a mieux à faire que d’imiter le théâtre parlé, qu’il a ses moyens d’expression, ses lois propres et qu’il doit toujours reposer sur la danse. Viganô appelle ainsi non pas la technique savante du ballet français avec ses exercices de virtuosité, mais une gesticulation expressive, rigoureusement rythmée et réglée par la musique. Il ne pourra d’un seul coup s’affranchir du ballabile, de l’épisode de danse, de l’inévitable pas de deux ou du solo auquel les spectateurs sont habitués et qu’exigent les directeurs de théâtre, mais il va en réduire l’importance et justifiera son intervention dans le ballet par les nécessités de l’action er attendant de le pouvoir supprimer. Dans les Strelitz, il commence à mettre en pratique ses idées sur la chorégraphie dramatique. L’acte de la conjuration des Strelitz dans leur caserne est pour lui l’occasion de groupements pittoresques et d’évolutions d’une merveilleuse nouveauté. Une magnifique gravure du scénographe Sanquirico nous en a laissé un vivant témoignage (1). On pourrait s’imaginer reconnaître en ces gestes soumis à l’impérieuse nécessité du rythme, la trace des recherches d’un Nijinsky ou des théories les plus récentes d’un Jaques-Dalcroze.

A partir de 1812, Salvatore Viganô se fixe à Milan. C’est pour la vaste scène de la Scala sur laquelle peut manœuvrer à l’aise une armée de danseurs et de figurants, c’est pour ce théâtre dont le décorateur Sanquirico est un homme de génie, qu’il va écrire ses chefs-d’œuvre. A cette date, il ne connaît plus les préoccupations matérielles. Son père Onorato, qu’il avait à sa charge, vient de mourir. Il a hérité par testament de toute la fortune d’une riche admiratrice. Les imprésarios mila-


(I) Nous la reproduisons en hors-texte d’après une planche en couleur d’un précieux recueil de scénographies de Sanquirico faisant partie de la collection de M Auguste Rondel, auquel nous adressons ici nos bien vifs remerciements pour l'extrême complaisance arec laquelle il a guidé et aidé nos recherches conographiques.