Aller au contenu

Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À voir le professeur dans son lycée, on le prendrait trop souvent pour le petit employé subalterne d’une administration publique, avec cette différence qu’il n’y jouit pas du confort relatif qu’offre le bureau. Dès la porte, l’absence de considération se marque dans le regard dédaigneux et les propos bourrus du concierge. Le professeur n’est pas là chez lui.

Si l’Université veut que ses professeurs soient traités partout avec égards, c’est à elle à commencer ; car elle est en grande partie responsable de leur effacement. Eux le sentent et ils en souffrent. J’ai été surpris de constater à quel point cette souffrance inavouée influait sur leur manière d’être et sur leurs pensées. Elle se traduit chez les plus âgés par une sorte de raideur, de froideur solennelle dont ils ont peine à se dépouiller en dehors même de leurs fonctions et qui leur devient comme une seconde nature ; l’expérience des mille tracas auxquels ils sont en butte leur donne en plus une circonspection exagérée qui dégénère facilement en méfiance ; leur enseignement se fait alors austère et sec ; ils n’ont plus cette indulgente gaieté, cette bonne humeur qui sont indispensables à l’éducateur. Les autres — les jeunes — sont poussés, inconsciemment au pessimisme ; ils voient le monde en noir et laissent percer, lorsqu’ils en parlent, de l’âpreté ou de l’ironie. Sortir de la carrière serait l’ambition secrète de beaucoup d’entre eux ils n’osent y songer[1].

Tel est le professeur que l’Université nous a fait. C’est à lui que revient le rôle d’élever la jeunesse. Nous connaissons déjà les résultats de son enseignement. Il était facile de les prévoir.

Des exceptions existent assurément, mais si rares, qu’elles n’ont aucune action. On doit les signaler cependant pour les encourager, car l’Université ne les favorise guère. Deux ou trois professeurs ont exposé devant la Commission les efforts qu’ils avaient faits pour rendre aux élèves leur enseignement utile et on ne saurait trop les donner en exemple.

Parfois ma classe a lieu à l’Hôtel Carnavalet, au Louvre, au musée de Cluny.

Je choisis le moment où, dans les textes, nous avons rassem-

  1. De Coubertin. Revue Bleue, 1898, p. 80.