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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/167

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AU PAYS DES PARDONS

vivent peu ; ils se fanent comme l’herbe à l’ardent soleil. »

En rappelant à son mari ce vieil adage, elle espérait le ramener à des sentiments plus mesurés et plus calmes. Ce fut le contraire qui eut lieu. À partir de ce moment, Yann ne quitta plus la fillette. Ses nuits mêmes, il les passa à l’écouter dormir. Le jour, quand le temps était clément, il l’emportait dans ses bras, la serrant contre sa poitrine d’une étreinte éperdue, et, jusqu’aux premières fraîcheurs du soir, il la promenait à travers labours et landes en lui chantant de très jolies choses qu’il n’écrivit jamais. Il croyait dépister ainsi le malheur dont l’avait menacé sa femme. Il n’y réussit point : à l’âge de six ans, l’enfant mourut. Le désespoir du père fut infini comme son amour. Il fallut lui arracher des mains le cadavre et, la cérémonie funèbre terminée, la mère dut s’en retourner seule au logis.

« — Je ne remettrai les pieds chez nous » avait dit Yann « que lorsque ma fille morte y sera rentrée ! »

Il était fermement convaincu qu’elle ne tarderait