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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/169

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AU PAYS DES PARDONS

« parrain » Leur entrevue eut lieu dans l’humble chaumine « du bord de l’eau », au pied de la Roche-Jaune, en aval de Tréguier. L’aveugle y vivait reclus depuis quelques années, cloué par les maux de la vieillesse à son escabelle de chêne, n’ayant d’autre distraction que de prêter l’oreille au plic-ploc des rames, quand montaient avec la marée les lourds chalands chargés de goëmon ou de sable, et de guetter, selon sa propre expression, le passage silencieux du bateau des âmes où il se devait embarquer avant peu pour l’autre monde. Elle fut touchante, cette entrevue, et quasi solennelle. Yann Ar Minouz, longtemps après, ne se la remémorait qu’avec émotion :

« — Voilà quand j’eus poussé la porte, je me trouvai dans une pièce étroite où il faisait noir comme chez le diable. Dans le fond pourtant, sur l’âtre, il y avait un feu de mottes qui brûlait sans éclat. Une voix cassée de vieille femme durement me demanda : « Que vous faut-il ? » Je répondis que j’étais Yann Ar Minouz et que j’étais venu pour saluer le père aux chansons, le très