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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/173

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AU PAYS DES PARDONS

de mars, Yann entrait en campagne. Alors s’ouvre en terre bretonnante l’ère des foires et des pardons. Alors, sur les deux versants des monts d’Aré, les routes se peuplent de piétons, de bestiaux, de carrioles. Alors les écus d’argent se réveillent sous les piles de linge, au fond des armoires ; les gars sortent leurs vestes neuves et les filles leurs coiffes brodées. La face encore mouillée de la vieille péninsule s’éclaire d’un fin sourire. Rien n’est délicat et attendrissant comme ces printemps occidentaux : ils ont un charme, une douceur, un je ne sais quoi de virginal qui n’est qu’à eux. Une lumière d’or pâle ondule dans le ciel ; l’air reste aiguisé d’une pointe de fraîcheur saline. Les lointains sont bleus, d’un bleu atténué presque transparent. Au sommet des collines, les clochers s’élancent d’un jet plus hardi, se renvoyant d’une paroisse à l’autre le tintement de leurs carillons. Ces grêles sonneries, il suffit d’avoir fréquenté d’un peu près le peuple breton pour savoir quelle action puissante elles exercent sur son âme, quel retentissement elles ont en lui. S’il se trouvait, dit la légende, un plongeur assez