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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/209

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AU PAYS DES PARDONS


« Viens, Corentine, au ciel profond
Louer Jésus, le Maître bon. »

Et Corentine se mourait,
Et à voix haute elle disait :

« À la Vierge je donne mon cœur,
« Ma malédiction aux Anglais ! »


Ce vers final, cri de guerre de la race, le barde le lance à pleins poumons, d’un timbre si âpre et si vibrant que la foule tressaille, frémit, sentant passer en elle le frisson des grandes haines ataviques, vieilles de douze, cents ans !…

Le soleil est haut sur l’horizon. Déjà commencent à déboucher, devers Le Faou, Landerneau, Châteaulin, les omnibus et les breaks aux essieux criards, bondés de familles bourgeoises qui viennent à Rumengol comme à une fête foraine, histoire de se gaudir de la paysantaille et de manger du veau froid sur l’herbe où les pélerins ont dormi. Le vrai pardon désormais est clos. C’est l’heure de fuir, si je veux emporter intactes les fortes impressions de la nuit et du matin naissant.