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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/21

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XV
AVANT-PROPOS

été donné de les voir au bon moment. Pour demain leurs aspects se seront sans doute modifiés. Une transformation s’accomplit, de jour en jour plus profonde, dans les usages et dans les mœurs de la vieille péninsule. En ce qui regarde les pardons, on lira plus loin les prédictions désenchantées d’un barde[1]. Déjà leur physionomie n’est plus la même qu’il y a vingt ans. Les hommes-troncs dont parlait Le Goffic ont appris le chemin de nos sanctuaires les plus ignorés. Les vendeurs d’orviétan remplacent peu à peu autour des enclos bénits la confrérie de plus en plus clairsemée des chanteurs, et les cuivres des forains marient maintenant leur grosse musique profane à l’aérienne mélodie des cloches. Symptôme plus grave : des dévotions nouvelles se substituent aux anciens cultes, et, parmi le peuple, la merveilleuse légende des saints nationaux va s’oblitérant… Que si l’âme fleurie des Pardons de la Bretagne doit elle-même se faner un jour, puissent ceux qui, comme moi, l’ont aimée retrouver en ces humbles pages quelque chose de sa poésie et de son parfum !


Kerfeunteun, 2 avril 1894.



  1. Cf. Rumengol.