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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/221

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AU PAYS DES PARDONS

si délicieux et si fort que toute l’atmosphère, que la mer même en étaient embaumées. Sur le sommet du roc, une figure agenouillée priait, le front auréolé d’un nimbe dont s’illuminait au loin la nuit. C’était saint Ronan qui abordait aux rivages d’Armorique.

Il prit terre dans un des havres du Léon. Il ne pouvait pas tomber plus mal. Le littoral de ce canton était alors habité par une population de forbans, naufrageurs et pilleurs d’épaves. Ils adoraient des divinités farouches, qu’ils identifiaient avec les chênes des bois et les écueils de l’Océan. Ils ne dépouillèrent pas le saint, dont tout l’avoir consistait en une robe de bure trop sordide pour exciter leur convoitise, mais ils ne manquèrent aucune occasion de lui témoigner combien sa présence parmi eux leur était désagréable ; et, quand il voulut leur parler de la loi nouvelle, de la loi que Christ avait scellée de son sang, ils lui tournèrent le dos, avec mépris, en le traitant de rêveur, ce qui dans leur bouche était la pire des injures. Ronan dut renoncer à convertir ces barbares désespérant d’adoucir leurs mœurs, il