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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/228

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

chait à l’arbre une plainte sourde qui retentissait douloureusement dans le cœur du solitaire.

« — Qu’as-tu donc à maltraiter ainsi ce vieillard des bois ? » demanda-t-il, courroucé.

« — J’ai » répondit l’homme « que j’en veux faire des planches pour mon grenier ».

« — À moins que ce ne soit pour ton cercueil ! » repartit le saint.

Au même instant le chêne tombait, écrasant le bûcheron dans sa chute. Que Ronan fût le vrai coupable, cela ne fit de doute pour personne : on ne songea plus, dans toute la contrée, qu’aux moyens de se débarrasser de lui. Des conciliabules secrets furent tenus dans les clairières, à la pâle lumière de la lune, déesse des entreprises nocturnes, que ces païens adoraient. Déjà l’on ne parlait de rien moins que d’aller surprendre l’anachorète dans sa hutte de branchages et de le frapper traîtreusement en plein sommeil, quand le chef du manoir de Kernévez, homme sage et tolérant, intervint dans la discussion en faisant observer combien une pareille conduite serait non seulement criminelle, mais périlleuse.