Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
AU PAYS DES PARDONS

à peine si un jour mystérieux filtre à travers les branches, pleut çà et là en larmes d’argent pâle. Les gens défilent en silence : hommes, femmes, glissent sans bruit, du pas furtif et pressé des apparitions dans les légendes.

« — On se serait cru en purgatoire, » murmure auprès de moi un paysan, non sans un vif sentiment d’aise, quand, la vertigineuse descente enfin terminée, nous nous retrouvons à ciel ouvert. Impossible de mieux rendre l’espèce de trouble superstitieux auquel chacun a été en proie, durant cette partie du trajet.

Désormais, tout redevient lumineux, vivant. On barbotte gaîment dans l’eau des prés ; on franchit les fondrières sur des jonchées d’iris, de roseaux, de genêts fauchés ce matin par les pâtres d’alentour on traverse des cours de fermes où des filles se tiennent accoudées au puits, une écuelle à la main, pour offrir à boire aux pèlerins altérés. Nous entrons dans le terroir de Kernévez, à la limite de Quéménéven. L’ombre de Kébèn y rôde encore. Son lavoir est là, sous les saules là aussi, la pierre où elle avait coutume de s’agenouiller,