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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/50

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

parle breton, et il fume ! Tout en puisant à mon tabac, il me raconte sa vie. Il est né, suivant son expression, dans une douve quelconque, comme une herbe de hasard. Et depuis lors il ramone. Entre temps, il s’est marié et a été, comme il dit, « veuf et reveuf ». Il en est actuellement à sa quatrième femme. Et, comme je témoigne quelque commisération :

« — Oh ! fait-il philosophiquement, elles sont toujours un peu avariées, quand elles m’épousent… »

Mais il ajoute aussitôt :

« — Toutes jolies, en revanche ; mes voisins vous le diront. »

Lui est laid, chauve, la barbe hirsute et orde, les prunelles de travers, un paysan du Danube — y compris l’éloquence — avec la suie en plus, des plaques de noir de fumée encroûtant ses vieilles joues. Si on lui demande pourquoi, ayant la rivière à sa porte, il ne s’y lave jamais, il répond, non sans malice, que, pendant un quart-d’heure au moins, cela troublerait « l’âme claire de l’eau courante » et la dégoûterait peut--