Page:Le Ménestrel - 1896 - n°32.pdf/5

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
LE MÉNESTREL

NOUVELLES DIVERSES


ÉTRANGER

On nous écrit de Vienne qu’à l’occasion du prochain séjour des souverains russes dans la capitale autrichienne, aura lieu, le 27 août, une représentation de gala à l’Opéra impérial. On jouera, par ordre de l’empereur, la Manon de Massenet avec Mlle Renard et M. Van Dyck. Comme aucun opéra russe ne se trouve au répertoire viennois, qui ne joue plus depuis quelques années le Néron de Rubenstein, il était tout indiqué d’offrir aux souverains russes une œuvre française, et Manon se recommandait non seulement par la valeur de la partition, mais aussi par son succès constant à l’Opéra de Vienne.

— Franz de Suppé va avoir son monument à Vienne, sur le tombeau d’honneur que la ville lui a décerné. Le statuaire Richard Tautenhayn l’a sculpté sur la demande de la veuve du compositeur, et l’œuvre est parfaitement réussie. Le buste en bronze de Franz de Suppé est d’une ressemblance frappante, et les génies allégoriques qui décorent le socle produisent un effet très gracieux. Un enfant qui joue de la flûte rappelle que c’est cet instrument qui a ouvert au compositeur la carrière musicale. Une feuille de papier à portées, sculptée dans le socle, reproduit les premières mesures de la chanson : Ô mon Autriche ! qui a obtenu une popularité immense dans la patrie du compositeur.

— À Budapest vient d’avoir lieu un duel au sabre entre M. le baron de Nopcsa, surintendant des théâtres royaux, et M. Diosy, critique musical du Neues Pester Journal. M. le baron de Nopcsa a reçu plusieurs blessures peu graves au nez et à la poitrine. Le duel a eu pour motif une discussion vive au sujet de M. Mahler, ancien directeur de l’Opéra royal, actuellement premier chef d’orchestre à l’Opéra de Hambourg.

— Nos lecteurs see rappellent que l’ancien théâtre Kroll, à Berlin, a été transformé en une succursale de l’Opéra royal. Or le surintendant des théâtres royaux vient de décider que le nouveau théâtre prendrait désormais officiellement le titre de Nouvel Opéra royal. Les représentations de ce théâtre sont déjà annoncées sous sa nouvelle dénomination.

— Le théâtre grand-ducal de Weimar va jouer prochainement un nouvel opéra intitulé Mathaswintha, musique de M. Xavier Scharwenka, le célèbre compositeur prussien.

— Un concours singulier est ouvert au Conservatoire de Dresde. M. Alfred Stelzner a construit deux nouveaux instruments à cordes qui doivent servir d’intermédiaire entre l’alto et le violoncelle. L’un de ces instruments est baptisé « violotte » et ressemble à l’alto ; l’autre se nomme « cellone » et ressemble au violoncelle. L’inventeur offre deux primes de 500 marcs chacune aux compositeurs d’un quatuor pour violon, alto « violotte », violoncelle et « cellone ». On se demande comment les compositeurs pourront se rendre compte de l’effet de ces nouveaux instruments, qu’ils ne peuvent pas encore connaître, pour en faire un usage approprié, et s’il est réellement utile d’ajouter de nouveaux instruments à cordes à ceux qui ont suffi à l’orchestre de Beethoven, voire même de Richard Wagner. Ce n’est pas là d’ailleurs tout à fait une nouveauté, et l’on sait bien qu’il a existé naguère un instrument qui tenait le milieu entre l’alto et le violoncelle et qu’on nommait baryton. Les musées spéciaux de divers pays en possèdent des spécimens. Au dernier siècle déjà, on connut une viola di bordone ou viola di fagotto, à laquelle on donnait aussi le nom de baryton ; c’était une sorte de basse de viole de petit format, montée de six ou sept cordes de boyau et ayant, sous la touche, une série de cordes sympathiques de métal. Deux musiciens de la chambre du prince Esterhàzy, Anton Lidl et Karl Krantz, acquirent une très grande habileté sur le baryton, ce qui fait qu’Haydn n’écrivit pas moins de 63 pièces pour cet instrument. Karl Krantz publia lui-même douze concertos pour le baryton. On voit que la prétendue invention nouvelle n’est, comme il arrive souvent, qu’un grand retour en arrière.

M. Robert Sipp, l’ancien professeur de violon de Richard Wagner à Leipzig, vient de célébrer le 90e anniversaire de sa naissance et a reçu à cette occasion beaucoup de cadeaux de ses anciens élèves et collègues. Mme Cosima Wagner et son fils Siegfried n’avaient pas oublié non plus le vieux musicien que Richard Wagner estimait beaucoup et avait même invité à assister à la première représentation de l’Anneau du Niebelung, en 1876. Les leçons n’avaient cependant pas profité au maître de Bayreuth, qui, déjà pianiste fort médiocre, avait complètement délaissé le violon.

— Le doyen des choristes allemands, M. Antoine Lutz, du théâtre grand-ducal de Weimar, vient de célébrer le 80e anniversaire de sa naissance. Il a commencé sa carrière comme chanteur en 1836, à l’âge de vingt ans, et en 1855 Franz Liszt le fit engager à Weimar, où il se trouve depuis plus de quarante ans. M. Lutz remplit encore fort bien ses devoirs artistiques.

— Est-ce que l’enthousiasme wagnérien pâlirait, même aux lieux où l’on devrait lui reconnaître la plus grande ardeur ? Au récent congrès de la Société Richard Wagner de Bayreuth, la direction a communiqué à l’assemblée l’attristante nouvelle que, de 8.900, le nombre des sociétaires est descendu aujourd’hui à 3.000. En présence d’une diminution aussi alarmante, le baron de Deckendorf, qui n’y va pas par quatre chemins, a fait une proposition radicale : la dissolution de la société ! L’assemblée pourtant n’a pas été de cet avis ; elle a simplement décidé la publication d’une « proclamation » par laquelle on inviterait le public allemand, et spécialement les personnes riches, à venir au secours de la société, qui a pour but de cultiver l’art du plus grand compositeur allemand. — Il faut toujours avoir la main à la poche, dans cette maison-là !

— En 1895 ont paru en Allemagne 6867 nouvelles compositions pour tous instruments, 3946 pour chant et 313 ouvrages sur la musique !

— À l’exposition nationale de Bavière qui se tient en ce moment à Nuremberg, on pourra étudier une expérience intéressante. Une salle d’exposition a été mise en communication, par téléphone, avec l’Opéra de Munich, et on croit que les visiteurs de l’exposition entendront fort bien de Nuremberg les œuvres jouées dans la capitale de la Bavière.

— Au Grand-Théâtre de Genève on a donné, le 18 juillet, la première représentation d’un opéra-comique inédit en un acte, le Vin de la cure, paroles de MM. Sarnette et Delécraz, musique de M. A. Krantz, professeur de flûte au Conservatoire de cette ville. Cet ouvrage paraît avoir omplètement réussi. — Au village suisse de l’Exposition, la société chorale Liederkranz a fait entendre avec succès une composition nouvelle, Sennen-Fakrten, scènes alpestres, dont l’auteur est M. F. Schneeberger, de Bienne, rédacteur du journal der Volksgesang.

— On prépare déjà, à Genève, les programmes des concerts d’abonnement pour la prochaine saison d’hiver. Parmi les noms des virtuoses qui se feront entendre on cite ceux de trois artistes français, MM. Saint-Saëns, Risler et Brun, puis ceux de MM. Carl Reinecke, Petchnikoff, etc.

— Les Italiens sont décidément infatigables, et les ardeurs de l’été font éclore chez eux autant d’opéras nouveaux que les rigueurs de l’hiver. Nous avons ainsi à enregistrer la naissance de deux œuvres nouvelles. À l’Eden de Milan, sorte de « Moulin-Rouge » transformé pour la circonstance en véritable théâtre, on a donné, le 20 juillet, la première représentation d’une « idylle joyeuse » en deux actes, Strategia d’amore, paroles de M. C. A. Blengini, musique de M. Romuald Marenco, compositeur qui n’était connu jusqu’ici que par la musique de nombreux ballets tels que Sieba, Excelsior, etc., que nous avons pu apprécier sous ce rapport il y a quelques années, lors de la vogue éphémère de notre propre Éden, aujourd’hui défunt. Strategia d’amore avait pour interprètes Mme Perigozzi, le ténor Quadri et le baryton Rebonati. — D’autre part, à Savona, le théâtre Chiabrera a eu la primeur d’un opéra sérieux en un acte, la Tradita, dont le maèstro Giacomo Medini a écrit la musique sur un livret de M. Giacomo Schianelli. Ici le succès, d’après les journaux, a paru prendre les proportions d’un triomphe.

— Il paraît qu’à Parme un grave différend s’est élevé, disent les journaux, « entre les musiciens professionnels et les professeurs du Conservatoire, qui acceptent de faire partie de l’orchestre du théâtre Reinach, ce qui porte préjudice aux intérêts des premiers. » Ceci tendrait à faire croire qu’un professeur au Conservatoire n’est pas un professionnel, ce qui peut sembler singulier. D’autre part, est-ce que les appointements de professeur au Conservatoire de Parme sont tellement brillants qu’on n’ait qu’à se croiser les bras en dehors des heures de leçons ?

— À Venise, dans un concert donné par la société Giuseppe Verdi, on a exécuté, sous la direction de l’auteur, une grande cantate de M. Riccardo Drigo, dont les soli étaient confiés, à défaut de M. Kaschmann, indisposé, au baryton Scaramella. M. Riccardo Drigo est un compositeur italien depuis longtemps fixé à Saint-Pétersbourg, où il s’est fait une véritable renommée en écrivant la musique de nombreux ballets, entre autres celui qui a été représenté récemment à l’occasion des fêtes pour le couronnement du czar.

M. LuigiTorchi, président de la célèbre Académie philharmonique de Bologne, vient de publier sous ce titre : Commemorazione di Alessandro Busi (Bologne, typographie royale, in-8o de 32 p.), la notice lue par lui en séance de cette Académie sur cet artiste modeste autant que distingué. Busi était un compositeur non sans talent, mais surtout un excellent théoricien, qui fut pendant longues années professeur de contrepoint, de composition et de chant au lycée musical de Bologne. La notice de M. Torchi dépeint bien la vie tranquille et laborieuse de ce bon serviteur de l’art, cette existence consacrée tout entière à cet art qu’il chérissait et auquel il dut ses plus vives et ses plus nobles jouissances.

A. P.

— On annonce déjà, pour la prochaine saison de carnaval-carême à la Scala de Milan, les engagements de Mme Ehrenstein, des ténors Borgatti, Duc et De Lucia, du baryton Camera et de la basse Scarneo. Le chef d’orchestre sera M. Vittorio-Maria Vanzo.

— C’est les mardi 6, mercredi 7, jeudi 8 et vendredi 9 octobre prochain qu’aura lieu à Norwich, dans la salle Saint-André, sous le patronage de S. M. la reine Victoria, du prince de Galles, et de tous les princes et les princesses de la famille royale, le vingt-cinquième festival musical triennal. La liste des œuvres qui seront exécutées à ce festival comprend