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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/173

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parfois…, pire que tous les diables cornus d’enfer. Peuh ! Ceci ?… rien du tout. Leur ferraille m’a manqué d’une lieue au moins…

On relevait à la barre comme d’habitude.

— Près et plein, dit très haut l’homme qui parlait.

— Près et plein, répéta l’autre en empoignant les manettes.

— C’est à ce vent debout que j’en ai, s’écria le patron, frappant du pied sous le coup d’une subite colère. Vent debout ! Tout le reste n’est rien.

Une seconde lui rendit son calme.

— Tenez-les en haleine cette nuit, messieurs ; qu’ils sentent qu’on les garde en main toujours — doucement s’entend. Vous, Creighton, attention à ne pas jouer des poings. Demain, je leur parlerai comme un oncle de Hollande. Tas de chaudronniers… Je pourrais compter les vrais matelots qu’il y a dans le nombre sur les doigts d’une seule main.

Il s’arrêta.

— Vous aviez cru que je déménageais, je parie, monsieur Baker ?

Il se tapa le front du doigt avec un sourire bref.

— Quand je l’ai vu debout là, aux trois quarts mort et les boyaux tordus de peur — tout noir au milieu des autres qui ouvraient la bouche en le regardant — sans ressort pour faire face à ce qui nous attend tous, l’idée m’est venue comme ça, tout à coup, avant le temps de réfléchir. Je le plains comme on plaindrait une bête malade. Si jamais être fut en plus mortelle frousse de mourir ! … J’ai pensé qu’il valait mieux le laisser s’éteindre à sa manière. On a de ces impulsions. Il ne m’est jamais venu à l’esprit que ces idiots… Je ne vais pas revenir là-dessus à présent. Sûr.