Aller au contenu

Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bon Dieu ! » laissa-t-il échapper devant l’invraisemblable et calamiteuse apparition que lui révélait la lumière. Cela s’arrêta, découvrit les gencives pâles et les longues dents d’une mâchoire supérieure en un sourire malveillant : « Y a-t-il quelque chose qui ne va pas, monsieur le second ? » entendit-on. Une pointe d’insolence relevait la simplicité voulue du ton. Des deux côtés du pont coururent des rires étouffés. « Suffit. Rentrez dans le rang », grogna M. Baker en attachant sur le nouvel auxiliaire le regard clair de ses yeux bleus. Et Donkin, s’éclipsant soudain, rentra parmi la troupe noire des hommes rassemblés pour y recevoir des claques amicales dans le dos et s’entendre décerner des flatteries à voix basse. Autour de lui on se murmurait : « Il n’a pas peur… Il leur en fera voir, je ne vous dis que ça… Ça valait Guignol… As-tu vu le second s’il était épaté ?… Bien ! Dieu me damne si jamais… »

Le dernier homme avait répondu, et il y eut un moment de silence où le second scrutait sa liste : « Seize, dix-sept, marmottait-il. Il me manque un homme, maître, dit-il tout haut. »

Le grand gaillard du Devonshire qui se tenait à son côté, brun et barbu de noir comme un gigantesque Espagnol, dit d’une voix de basse profonde : « Il ne reste personne à l’avant. J’ai regardé partout. Il n’est pas à bord, mais possible qu’il s’amène avant le jour. — Ça se peut ou ça ne se peut pas, commenta le second, pas moyen de lire ce dernier nom. Il y a une tache d’encre là… Ça fera le compte… Vous autres — en bas. »

Le groupe indistinct, jusque-là immobile, s’ébranla, se défit, se dirigea vers l’avant.

— Wait ! cria une voix pleine et retentissante.

Tous s’arrêtèrent. M. Baker, qui s’était détourné en