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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/74

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rologiques du patron qui gisaient ouverts sur sa table. Quoi qu’il en fût, Wait regagna l’avant, soutenu par le steward qui, d’une voix émue et peinée, nous adjura :

— Holà ! empoignez-le un de vous autres. Faut qu’il reste couché.

Jimmy avala un quart de café et après quelques mots désobligeants à l’un, puis à l’autre, prit le lit. Il y demeurait le plus souvent, mais selon sa fantaisie montait sur le pont et apparaissait au milieu de nous. Arrogant, perdu dans ses pensées, il regardait la mer en avant du navire et nul n’aurait pu résoudre l’énigme que posait cette figure isolée en son attitude de méditation et immobile comme un marbre noir.

Fermement, il refusait tous remèdes ; sagous et farines nutritives volèrent par-dessus bord jusqu’à ce que le steward se lassât de les lui porter. Il demanda de l’élixir parégorique. On lui en envoya un flacon énorme, de quoi empoisonner une pouponnière. Il le garda entre son matelas et le boisage du navire sans que nul ne lui en ait jamais vu prendre une goutte. Donkin l’injuriait nez à nez, ricanant à ses râles, et le même jour Wait lui prêtait un jersey chaud. Une fois, Donkin après l’avoir agoni une demi-heure durant, lui reprochant l’ouvrage supplémentaire que sa simulation valait aux hommes de quart, couronna son discours en le traitant de « porc à face noire ». Sous l’influence maudite du sort qui nous liait, nous restâmes frappés d’horreur. Mais Jimmy semblait positivement se délecter sous l’insulte. Il en paraissait réjoui, et Donkin vit tomber à ses pieds une paire de vieilles bottes accompagnées d’un sonore :

— Tiens, raclure de faubourg, voilà pour toi.

À la fin, M. Baker dut aviser le capitaine que James Wait troublait le bon ordre du navire. « Discipline fichue…