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Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/15

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LECONTE DE LISLE


Mais non ! Ce n’est point là ta clameur séculaire,
Pâle enfant de la femme, inerte sur son sein !
Ô victime, tu sais le sinistre dessein
D’Iahveh m’aveuglant du feu de sa colère.
L’iniquité divine est ton seul assassin.

Silence, ô Cavalier de la Géhenne ! ô Bêtes
Furieuses, qu’il traîne après lui, taisez-vous !
Je veux parler aussi, c’est l’heure, afin que tous
Vous sachiez, ô hurleurs stupides que vous êtes,
Ce que dit le Vengeur Kaïn au Dieu jaloux.

Silence ! Je revois l’innocence du monde.
J’entends chanter encore aux vents harmonieux
Les bois épanouis sous la gloire des cieux ;
La force & la beauté de la terre féconde
En un rêve sublime habitent dans mes yeux.

Le soir tranquille unit aux soupirs des colombes,
Dans le brouillard doré qui baigne les halliers,
Le doux rugissement des lions familiers ;
Le terrestre Jardin sourit, vierge de tombes,
Aux Anges endormis à l’ombre des palmiers.

L’inépuisable joie émane de la Vie ;
L’embrassement profond de la terre & du ciel
Emplit d’un même amour le cœur universel ;
Et la Femme, à jamais vénérée & ravie,
Multiplie en un long baiser l’Homme immortel.