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Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/27

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THÉODORE DE BANVILLE

LA CITHARE


Déesse, dis comment ce fut le Roi, ton fils,
Guerrier pareil aux Dieux, qui façonna jadis
La Cithare, pieux vainqueur du fleuve sombre,
Puis inventa les Chants soumis aux lois du Nombre,
Envolés & captifs & gardant leur trésor
Comme un voile fermé par une agrafe d’or !
Le soir baignait de feux les cimes du Rhodope.
Ces grands monts désolés que la nue enveloppe
S’enfuyaient dans la nuit comme de noirs géants.
Joyeux & regardé par les antres béants,
Orphée, au vent affreux livrant sa chevelure,
Ivre d’amour, épris de toute la nature,
Chantait, &, s’envolant comme l’oiseau des airs,
Son Ode avait donné la vie aux noirs déserts,
Car les arbres lointains, entraînés par la force
Des vers, orme touffu, chêne à la rude écorce,