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Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/319

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Sa femme, qui le soigne & qui le quitte à peine,
Y trouve tant d’ennuis qu’elle l’a pris en haine.
Il l’entend une fois, dans ses noires humeurs,
Répondre à la voisine en quête de ses pleurs :
« Tu demandes comment va cette maladie,
Ce qu’il devient, hélas ! que te dirai-je, amie ?
Ce n’est pas un vivant qui vous fasse espérer,
Même un mort qu’à l’oubli le cœur puisse livrer :
Vraiment, cet homme-là me rend la vie amère ! »
Au contraire, lorsqu’on interrogeait sa mère,
Elle disait : « Ayez comme moi de l’espoir,
Allah le guérira, si tel est son vouloir. »
Sakhar, qui les avait l’une & l’autre entendues,
Laissa partir ces vers de ses lèvres mordues :

« Pour sa mère Sakhar n’est jamais un ennui,
Mais Soulayma, sa femme, est sans pitié pour lui.

« Que méprisé par tous il tombe en la misère
Celui qui met sa femme au niveau de sa mère !

« Je voudrais bien frapper encor quelque bon coup,
Mais l’onagre épuisé ne se tient plus debout.

« Ah ! je ne croyais pas devenir ce cadavre
Qui te lasse l’épaule, ô femme, & qui te navre ;

« Oui, certes, je comptais sur un plus prompt trépas ;
Mais comme l’on se flatte & se trompe ici-bas !