Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/101

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Des frères sont tombés dans un adieu sonore,
Cadavres hérissés sur la lisière encore ;
Mais dans l’armée au cœur indomptable, beaucoup
Sont morts depuis longtemps qui sont restés debout.
Ils sont tels, ces captifs rigides, que l’outrage
Éternel les retrouve augustes dans notre âge ;
Et tel est leur silence aux approches des nuits,
Que la vie en a peur et fait taire ses bruits ;
Et que le fils errant des époques dernières,
L’homme, ainsi que la bête au fond de ses tanières,
Se retire à la hâte, écrasé sous le poids
Des lourds mépris qu’il sent tomber dans l’air des bois
Sur tous les vains espoirs où son désir s’enivre.
Et le rouge soleil saigne à travers le givre
Dans l’enchevêtrement des ténébreux piliers.
Puis tout s’éteint. La nuit aux démons familiers
Monte, multipliant l’épaisse multitude ;
Et de leur propre horreur sacrant leur solitude,
Eux, les arbres, debout, disputeront aux vents
L’obscur secret du rêve où sont nés les vivants !