Aller au contenu

Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.




VICTOR DE LAPRADE

————


ADIEUX AUX ALPES

I


Alpes ! forêts, glaciers ruisselants de lumière,
Sources des grandes eaux où j’ai bu si souvent,
Sommets ! libres autels où, dans ma foi première,
J’ai respiré, senti, touché le Dieu vivant ;

Où la terre a pour moi dénoué sa ceinture,
Où, dans ses bois obscurs, j’ai rencontré le jour ;
Où mon cœur s’enivrait, aux bras de la nature,
D’un mélange sacré de terreur et d’amour !

C’est à vous que je dois le secret de mon être,
Mes élans vers l’azur et vers la liberté.
Alpes ! désert chéri, vous fûtes mon seul maître ;
Mon vrai poëme à moi, vous me l’avez dicté.

Trente ans déjà passés, jeune, ardent, fier, austère,
Chercheur enthousiaste, altéré d’inconnu,
Et pressentant l’amour au fond du grand mystère,
Alpes ! mes blanches sœurs, chez vous je suis venu.