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Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/401

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Et voir en son entier la nature éclaircie,
Quel but, dit-elle, atteint ce formidable pas ?

S’ils ne sont point partis pour la cime des choses,
Pour y voir frissonner la première des causes,
Et ce frisson courir au dernier des effets,
Pour aller jusqu’à Dieu lire dans ses yeux mêmes
Le mot de la justice et du bonheur suprêmes,
Quels profits leur courage étrange aura-t-il faits ? »

Ils répondent  : « La cause et la fin sont dans l’ombre ;
Rien n’est sûr que le poids, la figure et le nombre,
Nous allons conquérir un chiffre seulement ;
Ils sont loin les songeurs de Milet et d’Elée
Qui, pour vaincre en un jour tout l’inconnu d’emblée,
Tentaient sur l’univers un fol embrassement !

Nous ne nous flattons plus, comme ces vieux athlètes,
De forcer, sans flambeau, les ténèbres complètes,
Pour saisir à tâtons ce monstre corps à corps ;
Il nous suffit, à nous, devant le sphinx énorme,
D’éclairer prudemment de point en point sa forme,
Et d’en lier les traits par de justes raccords.

Ils sont loin les rêveurs subtils d’Alexandrie,
Et ceux qui reniaient la terre pour patrie !
Nous ne nous flattons plus de la fuir, aujourd’hui :
A quelque évasion que l’air pur nous invite,
L’air même est notre geôle, avec nous il gravite,
Il est terrestre encore, et tout l’azur c’est lui !