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Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/91

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Il m’a fait regretter mon obscure origine,
Et quand je le prononce encore, j’imagine
De royales amours et, — rêveur insensé, —
Je crois être un instant votre beau fiancé.
Magnifique et reçu dans des honneurs insignes,
J’arrive du côté de la neige et des cygnes ;
Je suis un czaréwitch très-blond et presque enfant
Qui porte ce jour-là l’ordre de l’Éléphant,
Pour faire à votre père ainsi ma politesse,
Et je viens demander la main de Votre Altesse.
Nous ne nous disons pas de bien longues fadeurs,
Puisque tout est réglé par nos ambassadeurs.
L’escadre russe, ainsi que la flotte danoise,
Pour le jour solennel seulement se pavoise,
Et, dans l’instant heureux où vous prenez mon nom,
Vous tire un madrigal de cent coups de canon ;
Puis nos deux pavillons sont hissés dans l’espace.

… Mais pardon. Je ne suis qu’un voyageur qui passe,
Vous ne m’avez pas vu, je ne vous connais pas ;
Vous ne vous doutez point qu’en faisant les cent pas
Devant votre château, dans ce parc noble et triste,
Pendant tout un matin, un poëte touriste,
Voyageant au pays de la fleur d’Angsoka,
Princesse, dans un rêve exquis vous évoqua ;
Vous ne saurez jamais à quel point sa folie
Vous créait pâle et blonde, ô dernière Ophélie,
Et combien étaient purs vos yeux de clair saphir
Qui regardaient au loin la Baltique bleuir.