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Page:Le Play - La constitution essentielle de l’humanité, 1893.djvu/309

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daigna me nommer conseiller d’État après l’exposition universelle de 1855 et m’élever à la dignité de sénateur après celle de 1867[1] ; il me consulta constamment sur les projets de réforme qui lui étaient proposés ou qui étaient le fruit de ses propres réflexions[2] ; enfin, il créa, pour ainsi dire, la Biblio-

    d’Italie fut la conclusion immédiate de la délibération que je viens de rappeler.

  1. Par ces deux nominations, l’Empereur voulut à la fois honorer le commissaire, général, et témoigner sa sympathie pour la réforme que réclamait l’auteur des Ouvriers européens.
  2. Ainsi, après l’insuccès de la délibération de 1858 (note 2), l’Empereur voulut avoir mon avis sur un projet de réforme sociale qu’il avait conçu en étudiant assidûment, comme il le faisait depuis trois ans, les monographies de familles de mon in-folio. En comparant ces monographies, il avait été frappé du bien-être relatif dont jouissent les ouvriers des manufactures rurales. Il en avait conclu que son gouvernement devait provoquer, par des mesures spéciales, la transformation des ateliers urbains, en ateliers ruraux. Ainsi, par exemple, pour les filatures de coton et de laine, qui élaborent une matière première importée des pays étrangers, il pensait que les ateliers établis dans les campagnes pourraient être exemptés du droit de douane, qui continuerait à peser sur les ateliers établis dans les villes. L’Empereur me reçut seul aux Tuileries et me donna lui-même lecture du projet qu’il avait rédigé, de sa propre main. Aux objections que je lui soumis respectueusement, il répondit à quatre reprises, en insistant sur les préjugés nationaux, qui ne permettaient pas de recourir au vrai moyen de réforme. Peu à peu mes répliques prirent un caractère si vif, que l’Empereur, surpris, mais de plus en plus bienveillant et attentif, prolongea l’entretien pendant quatre heures. Dans cette longue séance, je développai surtout les vérités résumées ci-après.
    Il serait injuste, contraire à toute tradition et presque impraticable, d’introduire l’inégalité dans le régime douanier, qui pèse uniformément sur les villes et les campagnes. La réforme est difficile chez une nation qui, depuis cent quatre-vingt-dix-huit années, se laisse envahir par le vice et l’erreur. Dans de telles