Aller au contenu

Page:Le Socialisme II. Le Socialisme dans l'antiquité - Le Communisme de Platon et l'Individualisme d'Aristote. - Charles RAPPOPORT.pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même, comme les statues de Dédale, ou les trépieds de Vulcain, qui se rendaient seuls, dit le poète, aux réunions des dieux, si les navettes tissaient toutes seules, si l’archet jouait tout seul de la cithare, les entrepreneurs se passeraient d’ouvriers et les maîtres d’esclaves ». C’est-à-dire qu’Aristote pressentait la période du machinisme, où, presque seul, un immense travail se fait automatiquement. Si une période arrive ainsi, dit-il, on pourra se passer des esclaves. Le machinisme est venu, mais les classes dominantes trouvent toujours bon de ne pas se passer des esclaves.

Quels étaient les grands arguments d’Aristote contre le communisme de Platon ? D’abord, il disait, comme tous nos bourgeois, comme Malthus, dans son traité sur la Population, que ce n’est pas la propriété qu’il faut limiter et combattre, c’est le surplus de la population. Il faut limiter la population. Il faut chercher d’avoir le moins d’enfants possible pour pouvoir les nourrir. Il disait également qu’il n’y a que la propriété, que l’intérêt personnel qui contribuent au désir de travail. Sans la propriété la paresse triomphera. Il faut l’intérêt personnel pour que la société prospère. Il disait encore : Si on supprime la propriété privée, on supprimera la possibilité d’être généreux, parce qu’avec la propriété il y a la possibilité, pour des natures généreuses, de renoncer à une certaine partie de leur propriété au profit des autres.

Aristote n’aimait pas les extrêmes. Il disait : La vérité véritable se trouve toujours au milieu, — ni d’un côté ni de l’autre. C’était la véritable philosophie des classes moyennes. Il disait d’ailleurs : ce sont les classes moyennes qui doivent assurer l’ordre, l’harmonie des sociétés. Voilà pourquoi il proposait certaines réformes pour supprimer les inégalités par trop choquantes. Il était naturellement contre l’excès des richesses d’un côté et l’excès de misère d’un autre côté. Ceci toujours en n’envisageant que les véritables citoyens grecs, — la minorité — ayant le droit de disposer des esclaves — qui représentaient la majorité.

Il rejetait surtout la communauté des femmes et des enfants. Il multipliait les arguments. Nous n’entrerons pas aujourd’hui dans ces détails. Nous aurons à traiter ces questions, les problèmes de la famille, quand nous parlerons de l’école de Saint-Simon.

Dans sa Politique, Aristote a envisagé tous les avantages et tous les inconvénients de toutes les formes de gouvernement. Il a examiné la tyrannie, l’oligarchie — la domination de plusieurs, d’une minorité (on dirait maintenant la dictature). — et la démocratie.

Je voudrais vous citer un passage qui démontre qu’il y avait déjà une véritable lutte de classes à son époque, il y a vingt-cinq siècles, en Grèce :

« Le gouvernement démocratique a de dangereux ennemis, les