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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/103

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Évidemment, j’avais devant moi un espion. Il nous rendait à Paris aujourd’hui ce que nous avions fait chez lui jadis. Je ne lui en voulais pas pour si peu. Mais je craignais qu’il eût conservé, comme tous ces métis d’asiates, une rancune tenace et désireuse de s’extérioriser. M’avait-il reconnu ? Sans nul doute. Nuls êtres au monde n’ont la mémoire des êtres et des langues à la façon des balkaniques.

Il m’avait suffi, pour penser toutes ces choses et évoquer un souvenir à la fois heureux et fâcheux, d’une couple de secondes. En même temps j’admirais une femme, aux neuf dixièmes nue, dansant avec un nègre habillé en sauvage, je veux dire avec un pagne comme tenue de soirée.

Enfin je me tournai vers Rubbia.

Elle me dit avec une sorte de tremblement dans la voie :

— Tu connais le Viennois, là ?

— Oui, dis-je sans étonnement, tant à maintes reprises elle m’avait donné les preuves d’une prodigieuse perspicacité.