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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/135

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esquissé la force et les exploits. Rentrant le soir chez moi, pour la première fois je pris des précautions soigneuses afin de ne me laisser approcher ni toucher. Je n’eus aucune honte de me retourner souvent et de surveiller mes entours comme le roi Jean à Poitiers. Mais, lorsqu’on se méfie, votre méfiance engendre des fantômes, et c’est bien comme cela que les gens prédisposés à la folie de persécution voient les faits quotidiens enjoliver et nourrir leur manie.

Le certain est que je me découvris — illusoirement sans doute — entouré de gens menaçants. Un nègre surtout m’inquiéta un peu. Il semblait me suivre. Et sa main enfoncée dans une poche avait tout l’air de tenir une arme prête. S’il m’avait frôlé, je lui eusse administré le plus formidable uppercut que jamais boxeur amateur ait descendu sur la face d’un inconnu. Mais sans doute — au cas où ses desseins fussent fâcheux — ce qui n’est pas prouvé — eut-il le pressentiment de ma mise sous pression, car