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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/200

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dormie. Lui aussi semble crier à l’assassin…

Et, devant moi, une ombre vague se dilue et se reforme sans répit, qui glace mes vertèbres et fait trembler mes poignets. Rubbia, maintenant hors du monde, me menace, me poursuit et me possède encore…

Je m’enfonce éperdument dans les perspectives obscures. Je ne vais pas assez vite encore… J’accélère. Si un être humain me voit passer, il croira à une sorte de fantôme pourchassé par le remords.

 

Va, mon ami, va vite, plus vite, s’il se peut. Jamais le monde ne sera assez vaste ni ta vitesse assez vertigineuse, pour qu’en fuyant le souvenir de cette nuit atroce et désespérée tu perdes jamais contact avec ton crime, non plus qu’avec cet amour hideux et chéri. Accélère encore ! C’est en vain… Comment pourrais-tu oublier ces mots qui toujours te brûleront et dont le seul rappel entr’ouvre une tombe, ces mots dits par ta maîtresse au moment où tu la tuais, ces mots entrés en toi comme le stylet entra dans une chair