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Page:Le Tour du monde - 02.djvu/144

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rappelai la remarque faite par M. Bory de Saint-Vincent, qu’aucuns de ces batraciens n’habitent les îles volcaniques des grands océans. Cela semble vrai pour la mer Pacifique, et même pour les grandes îles de l’archipel Sandwich ; mais dans l’océan Indien, l’île Maurice fait en apparence exception : j’y ai vu en quantité le rana mascariensis : elle habite également les Séchelles, Madagascar et Bourbon. Si l’on en croit les rapports de divers voyageurs, il n’existait en 1669 d’autres reptiles à Bourbon que des tortues, et on avait essayé en 1768 d’introduire des grenouilles à Maurice. L’absence d’espèces indigènes de cette famille dans les îles océaniques est d’autant plus remarquable que les lézards y fourmillent sur les moindres îlots. Cette différence ne peut-elle avoir pour cause la facilité avec laquelle les œufs de ces sauriens, protégés par des coquilles calcaires, surnagent et sont transportés à travers l’eau salée, tandis que le frai gélatineux des grenouilles se dissout et se disperse ? La testudo nigra, ou tortue noire se trouve sur toutes les îles de l’archipel Galapagos, ou du moins sur le plus grand nombre. Elle fréquente de préférence les hauteurs humides, mais elle vit aussi dans les parties basses et stériles ; elle atteint parfois des dimensions gigantesques. Le vice-gouverneur de la colonie nous dit en avoir vu plusieurs si grosses qu’il fallait sept à huit hommes pour les enlever de terre. Quelques-unes ont donné jusqu’à deux cents livres de chair. Les vieux mâles sont les plus gros et se reconnaissent à la longueur de la queue : les femelles rivalisent rarement de grosseur avec eux. Les tortues qui habitent les îles où il n’y a point d’eau, ou qui se tiennent dans les terrains arides et bas, font leur principale nourriture du succulent cactus : celles qui hantent les régions supérieures se repaissent des feuilles de différents arbres, d’une espèce de baie acide et âpre, appelée guayarita, et aussi d’un lichen verdâtre et filamenteux (usnera plicata) qui pend par tresses aux branches des arbres. Elles aiment beaucoup l’eau, en absorbent de grandes quantités, et se vautrent volontiers dans la boue.

Traduit par Mlle A. de Montgolfier.

(La suite à la prochaine livraison.)

Archipel Galapagos. — Aiguade de l’île Charles. — Dessin de E. de Bérard d’après l’atlas de la Vénus.