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Page:Le Tour du monde - 02.djvu/344

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gnée de longue filasse attachée à une lance, comme la queue de cheval des Turcs, et suivi de quarante ou cinquante guerriers vigoureux, armés de piques, de fortes dagues à double tranchant, d’arcs roides et lourds, et de flèches aiguës. Nous lui payâmes le tribut d’usage et nous reçûmes en retour l’inévitable chèvre.

« Malgré l’insalubrité du climat, qui passe alternativement d’un froid humide à une chaleur moite et suffocante, les pirogues, dont l’équipage est nombreux et bien armé, s’arrêtent à Ouafanya pour y acheter des provisions ; les chèvres et la volaille y sont grasses, le manioc, le sorgho à bas prix, et l’huile de palme abondante. C’est là qu’on trouve les meilleures pagaies, et l’on y achète les jupes d’écorce un tiers de moins que dans l’Oujiji.

Le bassin du Kisanga (voir la carte). — D’après Burton.

« L’inhospitalité des peuplades qui habitent plus au nord ne permettant pas d’ouvrir avec elles des relations commerciales, ni de franchir leur territoire, c’est a Ouafanya qu’on s’éloigne de la côte pour traverser le lac. À cette latitude le Tanganyika est divisé par l’île d’Oubouari, celle que probablement a indiquée l’historien portugais de Barros. On découvre cette île deux jours avant d’y arriver, mais à cette distance elle n’est qu’un point vaporeux, en raison de l’humidité de l’atmosphère ; d’Ouafanya, elle présente un profil clair et net, dont la direction est au nord-est, et la pointe septentrionale à quatre degrés sept minutes latitude sud. Oubouari est un rocher de vingt à vingt-cinq milles géographiques de longueur, sur quatre ou cinq de large à l’endroit de sa plus grande étendue ; le grand axe en est renflé à dos d’âne, et tantôt la roche s’incline en pente douce vers la surface du lac, tantôt elle se dresse en falaise abrupte, déchirée par des gorges plus ou moins étroites ; verte du sommet à la base, l’Oubouari est enveloppée d’une végétation peut-être encore plus riche que celle du rivage ; en maint endroit le sol y paraît soigneusement cultivé ; mais les étrangers n’y abordent qu’avec défiance : ils croient toujours que les fourrés y cachent d’âpres chasseurs en quête de proie humaine. Néanmoins le 19 avril nous en gagnâmes la côte orientale ; nous descendîmes sur la ligne étroite de sable jaune qui borde tous les rivages de cette région, et nous étant dirigés vers Mzimou, nous y trouvâmes une foule d’insulaires accourus pour échanger de l’ivoire, des esclaves, des chèvres, du grain et des légumes, contre du sel, des colliers, du cuivre et de l’étoffe. Les Ouabouari forment une race particulière et peu avenante ; un manteau d’écorce, imitant la peau du léopard, couvre l’épaule des hommes, dont les cheveux sont retenus par une torsade faite avec de l’herbe, et qui, au lieu du fil de laiton en usage parmi toutes ces tribus, portent des bracelets et des ceintures d’écorce de rotang. Les femmes séparent leur chevelure en deux touffes latérales, et sont vêtues d’une peau de chèvre ou d’un petit jupon d’écorce ; celles des chefs sont chargées d’ornements, et comme les dames d’Ouafanya, elles ne sortent pas sans une canne à pomme de bois ou d’ivoire, et qui a cinq pieds de long.

« Dans la soirée, nous doublâmes la pointe septentrionale de l’île, et le lendemain, après avoir relâché à Mtouhoua, nous nous dirigeâmes vers la côte occidentale du lac, située environ à quinze milles d’Oubouari. À Mourivoumba, l’endroit où nos canots abordèrent, les montagnes, les crocodiles, la malaria et les indigènes sont également redoutés ; trop indolent pour tirer parti