Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 06.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

huit mille francs, sont de toute beauté. Mahamoud les fit revêtir de leur plus magnifique harnachement, et me donna le spectacle d’une splendide fantasia.

Je quittai Hodeidah le 9 janvier. Dès le lendemain, dans la soirée, une violente tempête me surprit dans ma petite barque. N’ayant rien pour me mettre à l’abri, je pris le parti de rester tout nu au fond du bateau, fumant de temps en temps un chibouque. Rien n’est plus long qu’une nuit de la sorte !

Le 12, au moment où j’allais franchir le détroit de Bab-el-Mandeb, une affreuse tempête m’assaillit de nouveau. Deux fois j’essayai de traverser la passe, deux fois il me fallut rentrer dans la mer Rouge. Une nuée obscure nous voilait la vue de la côte dont nous étions proches, et que nous ne devinions qu’à une pluie de sable et de cailloux qui, enlevés de terre par le vent, venaient s’abattre sur le frêle esquif déjà ballotté par des vagues énormes.

Le 19 et le 20, la tempête augmente encore : le mât est abattu, la voile déchirée, la barque presque démolie. Toucher terre, c’était m’exposer à tomber entre les mains des Bédouins qui infestent cette partie de l’Arabie, et assurément mon équipage ne m’eût pas défendu. Je rassemblai toutes mes forces, et me fiant au bon génie qui veille sur les marins, je poussai mon bateau demâté à travers des récifs que je franchis heureusement. Enfin, le 22 janvier au soir, je rentrai sain et sauf à Aden, après un long et pénible voyage de quatre mois.

Campement de Danakiles. — Dessin de Hadamard d’après Rochet d’Héricourt.


Importance d’Aden. — Son climat. — Maladies hideuses. — Retour à Zeyla. — Horrible fantasia. — Singulière confidence. — Le médecin improvisé. — Une caravane. — Mauvaises rencontres. — Les pèlerins et la tempête. — Les gens d’Oboc. — Fête à Hodeidah. — Deux armées qui ne se battent point.

Je profitai de mon séjour à Aden pour visiter cette ville, dont j’admirai les magnifiques citernes que les Anglais font réparer. Elles datent de la plus haute antiquité, du temps de Salomon, peut-être même de plus loin. Les Anglais ont également restauré les anciennes fortifications d’Aden, et les ont si bien complétées qu’ils ont fait de cette petite péninsule le Gibraltar de la mer Rouge et de la mer des Indes. C’est de 1839 que date leur prise de possession d’Aden ; on voit qu’ils n’ont pas perdu de temps pour rendre leur conquête imprenable et en même temps assurer son importance commerciale.

Lors de leur occupation, ce point de l’Arabie, entièrement déchu de son ancienne splendeur, ne faisait plus qu’un petit commerce et la ville arabe ne renfermait guère que 1 200 à 1 500 habitants. Aujourd’hui Aden et Steamer-point comptent 25 000 âmes et le commerce y est devenu plus florissant que jamais. Somaulis de Berbera, Banians et Parsis de Bombay, juifs de Sanê, Arabes de tous les ports de la mer Rouge et du golfe Persique, Anglais de l’Inde et de l’Europe, Américains des États-Unis, Français même se sont donné rendez--