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Page:Le Tour du monde - 14.djvu/314

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qui fut le fondateur de leur puissance, jusqu’à Hiéyas, surnommé Gongensama : celui-ci, qui était le trente deuxième siogoun, fit de Yédo la capitale politique du Japon et créa une nouvelle dynastie, dont les derniers représentants ont adopté, à dater de 1854 seulement, le titre de taïkouns.

Yoritomo, né de famille princière, dut à l’éducation d’une mère ambitieuse les qualités qui firent de lui le (dominateur et le vrai chef de l’empire. Élevé à la cour de Kioto, il apprit à connaître l’état d’affaissement et de débilité dans lequel était tombé le pouvoir du daïri. Le mikado, enfermé dans son sérail, ne s’occupait que des intrigues du palais. Les courtisans s’abandonnaient à la fainéantise, ou vivaient plongés dans la dissolution. Les anciennes familles qui étaient en rapports de parenté, d’alliance ou d’office avec l’empereur, se montraient jalouses d’exploiter dans l’intérêt de leurs enfants, le rang qu’elles tenaient à la cour. Elles s’efforçaient d’ouvrir aux aînés la carrière des hautes dignités ; elles faisaient entrer les cadets dans les ordres. Quant aux filles, plutôt que de les mettre au couvent, on sollicitait leur admission au rang des cinquante dames d’honneur de l’impératrice, qui toutes devaient prononcer le vœu de chasteté. L’ambition des matrones de haut parage trouvait, à son tour, l’occasion de s’exercer dans les puériles cérémonies qui accompagnaient la naissance de l’héritier présomptif et la nomination de sa nourrice : on la choisissait parmi les quatre-vingts dames de la vieille noblesse féodale, qui paraissaient le mieux qualifiées pour postuler cette éminente fonction.

Une servante d’auberge. — Dessin de A. de Neuville d’après une aquarelle de M. Roussin.

Pendant que ces choses se passaient à Kioto, les daïmios qui vivaient retirés dans leurs provinces se relâchaient peu à peu de leur fidélité dans l’accomplissement des obligations qu’ils avaient contractées envers la couronne. Quelques-uns s’arrogèrent un pouvoir absolu dans le gouvernement de leurs fiefs impériaux. D’autres agrandirent leurs domaines aux dépens de leurs voisins. Des guerres de familles, des actes de vengeance et de représailles ensanglantèrent pendant nombre d’années les rustiques forteresses des principaux dynastes du Japon. L’anarchie gagnait de proche en proche. Yoritomo, dont la famille avait beaucoup souffert de ces troubles, obtint du mikado, à la suite de diverses vicissitudes, un commandement supérieur et des pouvoirs très-étendus pour rétablir l’ordre dans l’empire. À cette époque le mikado, non plus que les seigneurs bardés de fer, n’avait d’autres troupes à mettre en campagne que des milices territoriales. Lorsqu’une expédition était terminée, les hommes rentraient dans leurs foyers. Yoritomo se créa une armée permanente, perfectionna l’art des campements, l’utilisa pour discipliner ses soldats, et ne négligea rien de ce qui pouvait leur faire perdre les habitudes de la vie domestique : c’est à lui, par exemple, que remonte l’organisation officielle de la plus honteuse des industries, devenue au Japon une institution sociale réglementée par le gouvernement.

Yoritomo vint à bout de ses desseins. Il soumit les daïmios qui avaient tenté de se rendre indépendants et les força de lui prêter le serment de foi et d’hommage, en sa qualité de lieutenant du mikado. Quelques-uns se refusant à lui reconnaître ce titre, il les extermina avec toute leur famille et confisqua leurs propriétés. Plus d’une fois, exaspéré par une résistance inattendue, il livra ses ennemis aux plus cruels supplices.

D’un autre côté, il ne cessa d’avoir, par ses agents, la main dans les intrigues du daïri. Il avait commencé sa carrière sous le soixante-seizième mikado, il la termina sous le quatre-vingt-troisième. Les empereurs qui lui faisaient obstacle furent contraints d’abdiquer. L’un d’eux prit la tonsure et s’enferma dans un cloître.

C’est sous le quatre-vingt-deuxième mikado seulement, que Yoritomo fut officiellement revêtu du titre de siogoun. Il en a exercé, de fait, les fonctions durant vingt années. Son fils aîné lui succéda.

Il y eut dès lors deux cours distinctes dans l’empire du Japon : celle du mikado à Kioto, et celle du siogoun à Kamakoura.

Dans l’origine le nouveau pouvoir n’était pas héréditaire. Il arriva même que des fils de mikados en furent revêtus. Loin de prendre ombrage de ce qui se faisait à Kamakoura, la cour sacerdotale et littéraire de