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Page:Le Tour du monde - 14.djvu/412

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sures du zapateado, elles commencèrent à danser aux applaudissements des buveurs et des passants.

Le zapateado est peut-être le plus vif de tous les pas andalous, et à coup sûr il n’en est guère de plus gracieux ni de plus entraînant.

Ordinairement il est dansé par une femme seule, qu’une autre remplace quand la première est fatiguée. Zapatear signifie en espagnol frapper avec les pieds des coups répétés. Le mot exprime parfaitement la danse et son mouvement.

Les Gitanas, animées par les palmadas des assistants qui accompagnaient la guitare en frappant dans leurs mains, et qui avaient peine à suivre la mesure, tant elle était précipitée, luttèrent tour à tour d’agilité ; c’était parmi elles à qui mettrait le plus d’adresse à tuer l’araignée ou le cloporte, matar la arañia ou la curiana, suivant l’expression pittoresque des Andalous.

La plus jeune des Gitanas se fit surtout remarquer par sa souplesse extraordinaire, et par son adresse à donner en mesure de petits coups de talon, en même temps qu’elle agitait par les mouvements les plus gracieux sa mantille de velours noir ; aussi un des spectateurs lui appliqua-t-il ce couplet de la chanson bien connue du calesero :

Cuando toca la guitarra,
Que gracia, que desenfao ;
Y que soltura, que cuerpo
Si baila el zapateado !

« Quand elle joue de la guitare, — combien elle est vive et gracieuse ; — et quel corps souple, quelle désinvolture — quand elle danse le zapateado ! »

Une danse vraiment sévillane et qui, comme le zapateado, est ordinairement dansée par une femme seule, c’est le vito sevillano, dont le nom vient probablement de saint Guy. Il est peu de danses dont l’air soit aussi gai et aussi entraînant que celui de ce pas favori des majas de Séville, qui aiment à le danser entre deux verres de vin d’Andalousie, dans les melonares (jardins maraîchers), ou les cortijos (petites maisons de campagne) qu’arrose le Guadalquivir.

El Ole gaditano. — Dessin de Gustave Doré.

Invités, un jour, par un Sévillan de nos amis, nous le vîmes danser par une des bailadoras les plus renommées ; nous tombâmes au milieu d’une réunion de majos qui célébraient la fête des deux patronnes de Séville ; le déjeuner venait de s’achever, et il ne restait plus sur la table que quelques verres encore pleins d’un vin couleur d’or. Encarnacion, — c’était le nom de la maja priée de danser, monta lestement sur la table. Aussitôt la guitare, les castagnettes et les panderos commencèrent à résonner, et elle se mit à danser avec une grâce et une aisance merveilleuses, sans effleurer aucun des verres épars qui se trouvaient à ses pieds, tandis qu’un des majos chantait. Après lui tous les assistants reprirent en chœur ce refrain, en frappant dans la paume de la main :

Salero, salero !
Arrimate acá,
Que viene el torito,
Valiente estocáa !

« Charmante, charmante, — approche-toi de moi, — car voici le taureau ; — la belle estocade ! »

Un autre continua par ce couplet, qui ne manque pas d’originalité, et où les femmes sont comparées à différents métaux :

Las doncellas son de oro,
Las casadas son de plata ;
Y las viudas son de cobre,
¥ las viejas de hoja de lata.

« Les jeunes filles sont d’or, — Les femmes mariées, d’argent ; — Les veuves sont de Cuivre, — Et les vieilles, de fer-blanc. »

La danseuse continuait à agiter ses petits pieds au milieu des verres, quand une voix s’écria :

« Tire oste la caña ! Tire oste la caña ! »

Tirar la caña, littéralement lancer le verre, s’entend en Andalousie d’un tour d’adresse que les danseuses s’amusent quelquefois à exécuter au milieu d’un pas, et qui consiste à lancer en l’air d’un mouvement rapide le contenu d’une caña, verre étroit qui se prête assez bien à cet exercice, et à en recevoir le contenu dans sa bouche.

Encarnacion exécuta le tour à merveille, sans perdre un seul instant la mesure, et après avoir vidé d’un seul trait la caña, elle sauta en bas de la table aussi lestement qu’elle y était montée.

Tl ne faut pas oublier une danse du même genre que la précédente, et également chère aux Andalous, el ole gaditano.

Olé ! est une des exclamations dont les Andalous se servent le plus souvent pour exciter les danseurs ; elle est probablement l’origine du nom de l’olé gadi-