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Page:Le poisson d'or.djvu/101

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LE POISSON D’OR

quelque chose pour moi. Ne vous fâchez pas, je sais que vous êtes un jeune avocat bien vertueux, mais c’est une bonne œuvre… une vraie bonne œuvre ; cela éteint des procès… et quand elle sera Mme Bruant, voyez-vous…

— Elle ne sera jamais Mme Bruant ! dis-je avec une impatience où se mêlait quelque peu de pitié.

— Deux cents louis, monsieur Corbière ! Il y a des jours où j’agis, où je parle comme un fou. Je m’y suis mal pris n’est-ce pas ? Il fallait l’enlever, ça tombe sous le sens. Avec la fortune que j’ai… et toutes mes pièces en règle… Écoutez ! vous avez vu le jeune Chédéglise, je sais cela. On clabaude… on clabaude… Je suis capable de faire quelque chose pour ce garçon-là, s’il veut quitter le pays.

M. de Chédéglise ne quittera pas le pays.

— Oh ! Oh ! M. de Chédéglise ! répéta Bruant avec un timide sarcasme. Pourquoi pas tout de suite M. le comte ? Comment gagne-t-il sa vie depuis qu’il n’est plus mousse ? Vous verrez que la police se mêlera de tout cela, monsieur Corbière !

— Je le crains pour vous, monsieur Bruant, répartis-je aussi froidement qu’il me fut possible.

C’était la première menace. Il n’en comprit point la portée et me demanda, d’un ton provocant :

— Les Bourbons seraient-ils revenus, cette nuit, en cachette, par hasard ?

Toujours froidement, mais appuyant un peu plus sur les mots, je répondis :

— L’empereur, à votre avis, n’est-il pas assez puissant pour faire justice ?

— Bon ! bon ! murmura-t-il. L’empereur connaît ses amis…