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Page:Le poisson d'or.djvu/112

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LE POISSON D’OR

qu’il ne m’a pas puni ! Au commencement, j’ai eu peur de Dieu. Bêtise ! mettez Dieu avec votre quittance, et n’en parlons plus !

Il eut un rire rauque, et continua sans s’arrêter :

— Avez-vous ouï dire, jeune homme, que j’étais bon nageur ? Ce n’était rien que le Penilis, car il ne se défiait pas de moi. La tempête, voilà l’ennemi ! Quand je fus dans la plate du sous-brigadier, mes mains étaient plus froides que le marbre, et je tremblais comme la feuille en pesant sur mes avirons. Il fallait doubler la pointe de Gavre. J’aurais donné la moitié de l’affaire à Seveno pour l’avoir sur le banc derrière moi. Une plate, ça ne gouverne pas par le gros temps. C’est égal ! va toujours ! J’allais.

Doublée la pointe ! c’était pourtant bien facile au bon Dieu de m’arrêter là, dites donc ? Je vis et j’entendis Seveno qui me hélait de la grève. Tâche ! Le fils aîné de Chédéglise m’attendait sur l’autre grève, entre Loc-Malo et le château. Il voulait émigrer. Croyez-vous que j’aurai favorisé la fuite d’un traître à la patrie ? La frégate anglaise peut croiser au vent de Croix. Hé, hé ! le Chédéglise emportait le restant de ses écus. Je hêlai :

— Ho hé notre monsieur !

— Est-ce toi Bruant ?

— C’est moi embarque !

Le feu de Loc Malo brillait rouge, et quand la lune se dégageait d’un nuage, je voyais le clocher de Plouhinec pointu comme un poignard. Ma tête brûlait, j’avais du sang dans les yeux c’est égal ! va toujours ! J’allais.

Il me dit :

— Attention ! prends le sac de cuir, mon ami Bruant,