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LE POISSON D’OR

Ce fut, disais-je, en l’an de grâce 1376, le quatorzième jour de juin, un dimanche, que les chartes constatent pour la première fois la pêche du poisson d’or, opérée à l’aide de certaines pratiques, déjà traditionnelles à cette époque, par Jean II, chevalier, seigneur de Penilis, de Lok-Eltas-en-l’Île, de Kerpape et du Talud.

Le bon gentilhomme avait été ruiné par procès et par guerres. Il ne possédait plus ce qu’il fallait pour aller en décent équipage à la croisade. La pêche miraculeuse lui fournit de quoi mettre à cheval sept lances, qui accompagnèrent avec lui le Riche-Duc en Palestine.

Cinq autre fois, et dans des circonstances diverses, le poisson d’or vint au secours des descendants de la maison de Penilis comme il appert de chartes authentiques déposées au château de Chédéglise. La septième et dernière pêche, qui eut lieu au mois de juillet 1804, est le sujet de la présente histoire.

J’étais jeune, je travaillais ardemment à me faire un nom, mais Rennes, ma patrie, est une admirable pépinière d’avocats, et malgré tous mes efforts, je restais étouffé sous le boisseau de la concurrence. Pour briller au barreau il faut choisir ces causes. Or, Dieu sait qu’il ne m’était pas permis de faire le difficile ; le plus pauvre des clients étaient pour moi une aubaine et je me cramponnais à lui comme à une proie.

Un matin, le bedeau de la paroisse de Toussaints, où j’avais coutume d’accomplir mes dévotions, vint me voir avec un personnage de haute taille, très maigre et dont le costume annonçait la gêne. Je reconnus en lui l’éternel client du jeune avocat le plaideur pour qui l’on parle gratis et à qui, par-dessus le marché, on est obligé de faire un peu d’aumône.