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Page:Le poisson d'or.djvu/150

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LE POISSON D’OR

Vincent sauta par la fenêtre, et moi, je pris la porte, courant de mon mieux et suivant le tapage, qui s’élevait dans la direction de Kernevel. Au bout d’une centaine de pas sur la plage, je rencontrai la foule qui revenait en tumulte ; on avait suivi une fausse piste.

Les hommes et les femmes allaient répétant :

— Il s’est mussé du côté de Kerpape ! À ce coup-là, il faut faire la fin de lui !

On avait bien bu une vingtaine de barriques de cidre, ce soir-là, à Larmor, sans compter le vulnéraire et le vin ardent (eau-de-vie).

Je voulus parler, mais la meute me bouscula et passa. Je ne savais pas où était Vincent. Je me mis à la suite de la cohue qui courait pieds nus sur les galets, chacun jouant des castagnettes avec la paire de sabots qu’il portait à la main, et chacun aussi, je dois le dire, se divertissant comme un bienheureux. Il faisait beau ; on avait assez dansé et puis la chasse au Judas, par le clair de lune, n’était pas dans le programme de la fête.

Ils ne sont pas méchants, là-bas, mais Bruant était la bête noire du pays, et ils ont parfois le cidre mauvais. La faveur dont Bruant jouissait auprès des autorités de Lorient augmentait la colère publique. Les cris : À l’eau ! à l’eau ! s’enrouaient, mais croissaient en ferveur. Mon inquiétude était mortelle.

À moitié chemin des étangs entre Larmor et Kerpape, il y eut une turbulente mêlée. Une autre foule revenait de ce côté sans avoir rien trouvé. Pour la seconde fois, on me passa sur le corps en reprenant à pleine course le chemin du village. Je cherchais parmi la presse Vincent, Seveno ou quelqu’un de son équipage, mais aucun d’eux n’était là.