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Page:Le poisson d'or.djvu/180

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LE POISSON D’OR

Il empoigne, le scélérat, et souque si fort, que me voilà à plat ventre contre le bordage. Il a eu ma ligne, le failli ! trente brasses de corde neuve ! j’avais°ôté l’hameçon, crainte de le piquer.

Et tout de suite après avoir fait le coup, il récria :

— À l’aide ! à l’aide mes chrétiens ! au secours !

Quoi ! Les petits coups de sang. C’est connu.

Nous nous soutenions en face du trou sur les deux avirons, et les matelots savent ce qu’ils ont sué d’eau à ce jeu-là !

Un éclair ! un vrai, que toute la mer en a flammé. Nous voyons enfin le Judas qui essayait de s’accrocher aux bords du trou. Faudra visiter ça, monsieur Corbière, c’est la curiosité du pays : fait en dedans comme une bouteille de verre, et se rapetissant par le haut. Pas seulement la moindre des choses pour s’y prendre : ni fente ni avance. On eut pitié, quoi ! Il avait les yeux hors de la tête et ses ongles saignaient.

Je lance la ligne de Courtecuisse ; il me la coupe avec ses dents, comme un sauvage. Et des sottises au panier ! gredins ! voleurs ! racailles ! jusqu’au prochain petit coup de sang, où il crie à fendre l’âme :

— Au secours, mes amis, je me noie !

Ah ! quelle pratique ! Ça dure comme ça pas mal de temps, si bien que la mer déchale toujours et que le râtelier ne couvre presque plus quand vient la lame. Encore deux minutes et il pourra s’accrocher aux dents. Je t’en souhaite !

Vous croyez donc que le bon Dieu ne grince pas, à la fin des fins !

Au prochain éclair, voilà ce que nous signalons : un chien mort dans une mare. Ma parole sacrée, on y a pensé, tout l’équipage et moi, que l’infortuné flottait