Aller au contenu

Page:Le poisson d'or.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
LE POISSON D’OR

mais confondues dans la maison de Chédéglise, les biens que la France leur avait pris à une heure funeste. L’unique héritier de M. Bruant avait été, en effet, jusqu’alors, l’État. M. le comte Vincent de Chédéglise fut nommé capitaine de vaisseau et pair de France ; il entrait dans sa vingt-huitième année. À cet âge, Alexandre le Grand avait déjà conquis le monde, et M. le prince de Bénévent évêque d’Autun, avait en poche sa première sentence d’excommunication. Je m’en vais heureux, madame la duchesse, si je vous ai mis l’esprit en repos. Le roi m’attend ; je me sauve.

Il s’enfuit, en effet, que le roi l’attendît ou non, et se frotta les mains depuis la rue de Varennes jusqu’aux Tuileries. La douairière de Chédéglise le suivit, sans oublier de donner le baiser de paix à la belle duchesse.

— Quand il ne sera plus ministre… murmura cette dernière.

— Chère mignonne, interrompit la marquise avec son imperturbable bonne foi, ces détails manquaient absolument, et vous avez bien fait de provoquer une explication. Seulement Son Excellence a la dent dure… et n’aime pas votre respectable oncle.

La duchesse ne faisait jamais longtemps la moue, parce qu’elle tenait à son sourire, qui était un enchantement.

— Le roi peut tout, dit-elle, excepté savonner un vilain ! C’est l’impossible.

Puis, elle ajouta en modulant un perfide soupir

— Ma sœur n’en a pas moins les trois cent mille livres de rentes de ce pauvre Judas.

Fin