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LE POISSON D’OR

Bon augure ! la sardine était aussi de la fête ; la sardine, manne de ces pauvres contrées, richesse des forts, pain des faibles.

Sois le bienvenu, petit poisson d’argent, la plus éblouissante des perles de la mer. Tu ne viens là que pour périr, hélas ! Mais l’homme vit-il autrement que par la mort de tout ce qui le sert ? Nage à fleur d’eau, éclaire de tes reflets la fête de tes propres funérailles.

Je n’ai pas l’esprit très poétique, mais cette solennité produisait une impression profonde sur mes nerfs déjà ébranlés. Le spectacle était grand, malgré l’immensité écrasante du décor. Ces cantiques lointains berçaient en moi l’enchantement d’un rêve.

Involontairement je songeais à ces fiançailles d’or où Venise la Belle mariait son doge à l’Adriatique esclave. La mer est la beauté idéale. J’excuse et j’aime toutes les idolâtries de la mer qui mire l’immensité de de Dieu.

Il se fit soudain un grand silence. Les trois cortèges se rejoignaient, formant désormais trois points mobiles et plus sombres dans l’espace ruisselant d’étincelles. Je vis les trois croix s’incliner et s’embrasser, selon l’expression consacrée. Les clergés quittèrent leurs barques et montèrent sur la cabotaine. Tout le monde autour de moi se mit à genoux sur le sable et pria. Je m’agenouillai et priai.