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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/112

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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

SUR LE TERRAIN

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Tout l’été, je fus intrigué par le genre d’existence que menait cette jeune femme.

Mlle d’Ermeville — tel était son nom — devait avoir trente-cinq ans. Elle n’était point belle, mais infiniment séduisante, et de visage très doux, souvent un peu triste. Elle vivait seule, avec ses domestiques dans une petite villa située sur la falaise et ne fréquentait aucun des baigneurs de l’endroit. Mais deux jeunes gens d’une vingtaine d’années venaient alternativement chez elle du samedi au lundi.

Jamais ils ne séjournaient ensemble. Avec chacun d’eux, durant ces deux jours, Mlle d’Ermeville se promenait ou causait dans son jardin. Puis la semaine se passait, et le samedi suivant, l’autre arrivait.

Après d’habiles manœuvres, je réussis à entrer en relations avec cette mystérieuse personne. Je gagnai sa confiance, et elle ne se fit point prier, quand je l’interrogeai, pour me dire le secret de sa vie.

— Sachez d’abord que Gaston et Louis sont frères. Je les ai connus il y a dix ans, lorsque mon père vivait. C’est lui qui, à la mort de leurs parents, les fit venir, et les installa dans une petite maison voisine du château où nous habitions. Je fus chargée, moi, de surveiller les leçons qu’ils recevaient d’un ancien instituteur retiré aux environs.