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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/126

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Elle ne put achever. Il y avait dans les beaux yeux francs de Paul un tel étonnement ! Elle descendit et s’écroula sur un tas de cailloux en sanglotant.

Il vint près d’elle et lui dit doucement :

— Qu’avez-vous, mademoiselle, pourquoi pleurez-vous ?

— Allez-vous en, Paul, murmura-t-elle d’une voix brisée, allez-vous-en…

— Pourquoi ?

Elle ne répondit pas. Il lui demanda :

— Dois-je retourner en ville ?

— Non, Paul, retournez chez vous, à Paris.

— Je n’ai pas de chez moi.

— N’importe, allez-vous-en, je vous en prie… je vous renverrai vos affaires…

— Mais… la voiture ?

Elle se releva et lui prit les deux mains :

— Paul, faites-moi un grand plaisir, acceptez-la, cette voiture… Je vous la donne… moi, je ne pourrais plus m’en servir. Je ne voudrais plus… Acceptez-la en souvenir…

Il la regarda. Elle avait un pauvre visage ridé, convulsé, sillonné de larmes, ridicule, mais si tendre et si bon ! Il sentit qu’il eût été mal de refuser. Une émotion dont il ne comprenait pas bien la cause l’étreignit. Il porta la main de Mademoiselle à ses lèvres et la baisa respectueusement.

Puis, sans un mot, il partit.

Longtemps, longtemps, Mlle de Robec resta les yeux fixés sur la voiture qui s’éloignait, sur son dernier rêve qui disparaissait à l’horizon…

Maurice LEBLANC.