Aller au contenu

Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La tirade se termina dans un silence profond. On se regardait avec embarras.

— Eh bien, mon cher ami, finit par s’écrier le comte, je me demande comment vous allez vivre pendant ces trois jours en compagnie de sauvages de notre espèce. Si j’avais su…

— Soyez sans inquiétude, répondit Verdol, la campagne est grande, j’irai du côté où vous n’exercerez pas vos ravages.

Le comte lui tourna le dos assez brusquement et emmena ses invités. Quelques minutes après, les aboiements des chiens retentissaient devant le perron, Les chasseurs se mirent en route.

Debout, à l’une des fenêtres, la comtesse les regardait s’éloigner. Le vent secouait les arbres. Des feuilles mortes tourbillonnaient dans les allées.

Elle se retourna. Verdol était près d’elle. Leurs yeux se croisèrent. Elle eut un sourire imperceptible et prononça :

— Je ne vous savais pas contre la chasse une haine si vigoureuse.

— Moi ? Je chasse tout comme un autre, et sans me croire un assassin.

— Vous aviez l’air bien convaincu, cependant.

— Certes, convaincu qu’il fallait trouver un moyen pour rester ici.

— Pour rester ici ?

— Oui, seul, auprès de vous.

— Vraiment ?

— J’ai tant de choses à vous dire !

Elle s’installa confortablement dans un fauteuil, et soupira d’un petit air ironique et las :

— Allons ! puisqu’il n’y a pas moyen d’y échapper, résignons-nous. Parlez. Il s’agit donc ?… Quelque histoire de chasse sans doute… de gibier défendu ?…

Maurice LEBLANC.