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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/182

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gret, je regardai ma peau de bique qui cheminait sur la route de Villedieu. Et je me disais que, somme toute, mon action avait été illogique et puérile.

Vouloir que ce misérable arrivât plus tôt à son but ! Mais les malheureux sont-ils donc si pressés d’arriver à leur but ? Ce qui les attend à l’étape est-il donc si désirable qu’il faille encore leur dérober la distraction monotone et abrutissante du cheminement quotidien ?

Et puis un but pour eux ? Mais ils n’en ont point d’autre, hélas ! que de toucher l’aumône infime qui leur donnera du pain, qui les empêchera de crever sur le bord de la route. Quant au reste, les joies de la vitesse et de la distance supprimée, les sensations de nature, d’espace libre et de plein air, l’automobile de l’obligeant monsieur qui passe, bah ! qu’est-ce que tout cela auprès des deux sous de la bonne dame ?…

Maurice LEBLANC.