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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/193

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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

M. Fumeron & sa Dame

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Soudain cette annonce, dans la Revue du Touring, me frappa :

« Le 15 août, M. Fumeron, bandagiste à Coutances, et madame, née La Couche, partiront à bicyclette pour Avranches (61 kilomètres), d’où ils reviendront le lendemain. Ils seraient heureux d’avoir des compagnons de voyage. Rendez-vous à neuf heures, sur la place du Parvis. »

Le 15 août ! nous étions le 14. Coutances ! j’étais alors à cinq lieues de cette ville.

À peine hésitai-je. Ce brave M. Fumeron et son épouse, qui annonçaient à la France entière qu’ils abattraient, le 15 août, leurs soixante et un petits kilomètres, me semblaient des gens indispensables à connaître. Un détail surtout me ravissait : « et Madame, née La Couche ». Quelle vanité touchante ! Les La Couche devaient être une vieille famille du Cotentin, datant au moins de Louis-Philippe, et M. Fumeron, bandagiste, honoré de cette alliance avec une La Couche, tenait à ce que nul n’en ignorât.

Non, on ne doit pas laisser échapper de telles occasions. Il y avait là des mines d’observations pittoresques, du ridicule à exploiter, de quoi rire et se moquer interminablement. M. Fumeron avait sans aucun doute un gros ventre, et madame, née La Couche, s’épanouissait dans des culottes de zouave. J’irais.

Le lendemain j’étais à neuf heures sur la place du Parvis. Un monsieur et une dame s’y trouvaient déjà.