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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/285

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— Quelle malchance ! Ça ne va pas bien ici… une hémorragie… je n’ai pas ce qu’il faut… j’ai peur…

J’offris mes services. Mais le guichet se referma. Je dis au mécanicien :

— Je pourrais aller, jusqu’à Neuilly, chez le premier pharmacien.

— Donnez-moi un coup de main plutôt. C’est l’affaire d’un moment.

Un gémissement sourd partit de la voiture. J’eus un frisson. Cet être qui souffrait, qui agonisait, là, dans la nuit, presque sans soins…

L’homme s’était mis à l’ouvrage. Assez inhabile, je ne lui fus d’aucune utilité. Je projetai sur la roue la lueur d’une lanterne, et si maladroitement même qu’il me pria de le laisser travailler.

Alors j’attendis, le cœur serré.

Certes, il ne se passa pas plus de quinze minutes, mais comme elles me parurent longues ! Parfois, dans la voiture, un gémissement, un râle plutôt… Cela devenait intolérable. N’y avait-il donc rien à tenter ? Il me semblait que les deux hommes étaient bien insouciants. Mais moi, malgré leur refus, ne pouvais-je chercher du secours ? J’hésitai. Mon Dieu ! comme on est veule et lâche en ces circonstances !

— Ça y est, dit le mécanicien, nous allons pouvoir…

Un cri déchirant l’interrompit, un cri lamentable. Et, de nouveau, le silence. Mes jambes tremblaient sous moi. L’homme ne bougeait pas… n’osait bouger… attendait… Et moi aussi, j’attendais… Oh ! quelle horreur !

Le guichet s’ouvrit. L’infirmier murmura :

— C’est fini.

— Morte ?

— Oui.

— Ah ! fit l’homme en se signant.