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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/291

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J’arrêtai. Elle ne protesta point. Elle pleurait. Je lui dis :

— Je vous supplie d’avoir confiance, madame, je réponds de tout.

L’autre voiture approchait. Je descendis et marchai résolument à sa rencontre.

À dix pas de moi elle fit halte. Un homme et une femme en descendirent. L’homme s’avança. Je reconnus le comte de Laubérun. Il hésita, puis chercha à m’éviter pour aller vers la comtesse. Je lui barrai le chemin.

— Monsieur, je vous avertis que madame s’est mise sous ma protection. Je remplirai mon devoir envers et contre tout, quoi qu’il advienne.

Il me regarda et, ce qui me surprit, son regard n’avait point de colère, un peu d’ironie plutôt. Il dit simplement :

— Et si je passe quand même ?

Je tirai mon revolver.

Un éclat de rire accueillit ce geste. La compagne du comte s’était approchée. Une écharpe de gaze lui couvrait la figure. Elle me prit le bras et m’entraîna du côté de la comtesse.

— Je vois, Monsieur, que votre passion ne connaît pas d’obstacle. Mais quel est votre but ? Sans doute consacrer votre vie à madame… l’épouser un jour ?

— Oui… certes…

— Soit, je vous accorde sa main.

Elle se pencha sur la comtesse qui pleurait près de la voiture, blottie au fond de ses vêtements, et lui dit :

— Élisabeth, monsieur nous fait l’honneur de te demander en mariage. Je ne gout pas de ton consentement, n’est-ce pas ?

Un sanglot étouffé lui répondit. Alors, d’un mouvement assez autoritaire, elle écarta les voiles qui dissimulaient la comtesse.

Et je vis, toute rouge, confuse, les joues ruisselantes de larmes, une enfant, une fillette d’une douzaine d’années.