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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/295

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— Que diable est devenue ma bicyclette ? Voici des mois que je ne m’en suis pas servi.

Armande parut stupéfaite, Elle me regarda longuement, puis répondit d’un ton sec :

— Je ne sais pas.

Je passai mes mains sur mon front. Il fait brûlant. Je souffrais beaucoup.

Puis, d’un trait, sans hésiter, je franchis les deux étages qui me séparaient des combles, suivis un long couloir, et ouvris la porte d’une petite mansarde dont je portais sur moi l’énorme clef. Là, derrière un entassement d’objets et de meubles brisés, gisait une bicyclette.

Je la descendis dans la cour et la nettoyai, car elle était couverte de boue séchée. Puis je gonflai le pneumatique de devant. El comme je me disposais à ajuster le record de la pompe à l’autre roue, un cri m’échappa : la petite capsule de la valve manquait.

— Eh bien, quoi ? pensai-je, cela ne prouve rien. Ah ! ce serait autre chose si la clef anglaise manquait aussi.

J’ouvris fiévreusement la sacoche. Il n’y avait pas de clef anglaise.

Mes jambes fléchirent. Je dus m’asseoir sur un banc, et je fermai les yeux dans la crainte de voir ce que je ne voulais pas voir, la marque du pneumatique, et je la vis cependant, je vis parmi les rayures de l’enveloppe ce nom : Gravane.

Ainsi donc, cette bicyclette était celle dont on s’était servi. Mais qui s’en était servi ? Aucun de mes domestiques ne savait monter… D’ailleurs, quel intérêt ? Et puis, personne ne connaissait l’endroit où elle était cachée depuis le jour…

Mais, au fait, comment le savais-je, moi ? Et par quel étrange, par quel mystérieux phénomène la clef de cette mansarde se trouvait-elle en ma possession ?

J’interrogeai Armande. Elle m’examina comme la première fois, mais avec un regard triste et plein de pitié.

— Monsieur, elle est dans votre poche depuis… depuis le jour…