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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/338

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Gravely donna sa première leçon. Le lendemain Jacques alla prendre la seconde, Ce fut suffisant. Il savait se tenir à bicyclette.

Dès lors grand’mère put se reposer de ses fatigues de cheval. Assise confortablement à la fenêtre de sa salle à manger, elle assistait aux évolutions de son petit-fils sur la route. Il avait le droit de rouler de la maison à l’église et de l’église à la maison, de sorte qu’elle ne le perdait pas de vue. Et elle se réjouissait de son adresse et de son élégance.

il arriva ce qui devait arriver : après une quinzaine de ce manège, Jacques avait épuisé toutes les joies que l’on peut trouver à mesurer trente fois par jour les huit cents mètres d’un même ruban de route. Il réclama plus d’indépendance, l’imprévu des longues promenades.

Grand’mère refusa net.

— Non non, j’aurais trop peur… Pense donc, tu n’as pas sept ans !

Jacques se dit que c’était là précisément un âge respectable où l’on est digne de toutes les libertés, mais comme il adorait sa grand-mère, il n’insista pas.

Seulement, peu à peu, il se lassa de cet exercice fastidieux d’écureuil en cage. Les tas de cailloux, les bornes kilométriques, les arbres du chemin lui étaient aussi familiers que les billes d’agate et les toupies qu’il avait dans sa poche. La bicyclette fut à peu près remisée et grand’mère élevée de nouveau à la dignité de cheval. Elle lui reprocha ses goûts versatiles.

— Voyons, tu aimais tout cela ! tu étais si content de mon cadeau !

Ce qui lui attira un jour cette réponse :

— Eh bien, si tu veux que j’y aille, achètes-en une, et on sortira ensemble,

— Moi, une bicyclette ! Moi, une vieille femme, qui porte des lunettes et des jupes !