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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/371

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En 1868, elle devenait la femme de Guillaume d’Argant, qu’elle aimait et qui l’aimait.

En 1870, le jour même où naquit leur premier fils, Henri, la guerre était déclarée, et Guillaume partait pour la frontière. Fait prisonnier à Sedan, enfermé dans les forteresses d’Allemagne, il ne revint qu’après deux années d’absence.

Quatre ans après la naissance d’Henri, Georges vint au monde. Puis, quatre ans après Philippe. Puis trois ans et demi plus tard, Jacques et quatre ans et demi plus tard Pierre.

Nous sommes en 1885. Durant cinq ans, la comtesse, que son mari jusqu’ici n’avait pas été sans délaisser quelquefois, connut la paix et le bonheur. Le comte s’assagit. Il est fier de ses cinq beaux garçons, tous solides et vigoureux, hardis et passionnés.

Il les habitue aux exercices du corps. Il est leur maître d’armes, leur écuyer, leur professeur d’énergie. Qui ne se souvient de les avoir vus galoper tous les six au Bois en 1890 ? L’aîné a vingt ans, le plus jeune en a cinq, et, sur son poney, il n’est peut-être pas le moins intrépide.

« Argant, ardent », n’est-ce pas la devise que portaient les ancêtres du comte ?

Un jour, à la tête de sa petite troupe, il chargeait dans une des allées cavalières. Son cheval fit un écart. Le comte tomba. On le releva mort.

La veuve eut un chagrin profond. Mais elle avait cinq enfants. Leurs caresses, leur affection, son orgueil de mère, adoucirent peu à peu la blessure. Elle se sacrifia entièrement à eux, elle vécut pour eux, fière elle aussi de leur force et de leur audace.